FACTEURS DE RISQUE
34 CANCER CONTROL FRANCOPHONE 2021
Rta dont l'expression déclenche la réactivation virale. Les
transcrits non codants sont essentiellement représentés
par les EBERs (EBV-encoded small RNA), les ARN BARTs et
les micro-ARN mi-BART et mi-BHRF. Ces produits viraux
assurent l'établissement de la latence et la réplication du
génome viral dans les lymphocytes B mais peuvent avoir un
effet oncogénique direct, favorisant l'émergence d'un clone
tumoral. Ils peuvent en effet, contribuer à maintenir un
signal de prolifération, acquérir une résistance à l'apoptose,
échapper au système immunitaire tout en favorisant un
microenvironnement tumoral et une instabilité génétique
propice à la tumorigenèse (21,22). Dans le CG où dérivent
les cellules de LB, les cellules EBV+ expriment les protéines
LMP1, LMP2, EBNA1 et les transcrits non-codant EBERs
(Latence II). LMP1 peut induire une expression aberrante
du gène AICDA favorisant une instabilité génomique (23)
et augmentant le risque de survenue de translocation.
LMP1, LMP2, EBNA1 et les transcrits non-codant EBERs
exercent également un effet anti-apoptotique sur les cellules
infectées (24-27), permettant d'échapper à l'apoptose
induite par la surexpression de MYC, conséquence de la
translocation chromosomique. A l'état normal, ces cellules
vont éteindre l'expression des protéines LMP1 et 2, sortir
du CG et se différencier en cellules mémoires qui expriment
occasionnellement la protéine EBNA1 au cours du cycle
cellulaire ou en plasmocytes aboutissant à un cycle lytique.
En revanche, en cas de translocation, la prolifération induite
par la surexpression de MYC maintient les cellules en cycle à
la sortie du CG, d'où l'expression isolée d'EBNA1 dans les LB
(figure 1B). EBV peut également induire par des mécanismes
épigénétiques, une dérégulation de l'expression de nombreux
gènes contribuant à l'oncogenèse (28-30).
En dehors de la surexpression d'AID induite par les protéines
EBNA3C (31) et LMP1 (23) ou des dommages oxydatives
d'ADN induits par EBNA1 (32), il existe très peu de données sur
l'existence d'un rôle plus direct joué par le virus EBV dans les
mécanismes de formation de la translocation chromosomique
au cours du LB. Trois conditions sont nécessaires pour qu'une
translocation entre deux chromosomes se produise : i) une
cassure doubles-brins d'ADN sur les deux chromosomes;
ii) une réparation non homologue de ces cassures ; et iii)
une proximité spatiale des partenaires de translocation
(33). Les cellules eucaryotes sont caractérisées par une
organisation hiérarchique de l'architecture nucléaire, les
chromosomes et les gènes occupant des positions radiales
préférentielles, variables d'un type cellulaire à un autre
(34-36). Ces positions peuvent cependant varier au cours
de processus physiologiques (différenciation, réplication,
réparation de l'ADN…) ou pathologiques (cancers, infections
virales…). Dans le noyau des lymphocytes B, MYC et IGH occupent des compartiments différents, séparés par au
moins 40% de l'espace nucléaire (37,38). Ainsi la survenue
de la translocation t(8 ;14) du LB entre MYC et IGH dans les
lymphocytes B requiert un remodelage de leur architecture
nucléaire qui pourrait secondairement induire cette proximité
entre MYC et IGH. Nous avons récemment mis en évidence,
pour la première fois, un rôle important du cycle lytique d'EBV
dans la survenue de cet événement. Nous avons montré que,
in vitro, la réactivation du virus EBV dans les lymphocytes B
infectés de façon latente, augmentait significativement la
proximité entre les loci MYC et IGH. En développant un modèle
cellulaire expérimental basé sur la technologie d'ingénierie
génique CRISPR/Cas9 et dans lequel nous pouvons induire
la translocation t(8 ;14) à un niveau détectable par qPCR,
nous avons prouvé que la proximité MYC-IGH induite par la
réactivation d'EBV augmentait significativement le taux de
translocation en cas de cassures doubles brins simultanées
sur les deux loci (22). Ces résultats apportent une nouvelle
approche de la pathogenèse du LBe (figure 1B). En effet, dans la
forme endémique du LB, EBV est associé à différents cofacteurs
(Plasmodium falciparum, Euphorbia tirucalli, et potentiellement
Aflatoxine B1) qui partagent tous la capacité de pouvoir
réactiver le virus in vitro et in vivo (voir paragraphes suivants).
Rôle du Plasmodium falciparum
Plusieurs études ont confirmé l'hypothèse d'un lien entre
le Plasmodium falciparum et le LBe (39-42). Une sensibilité
accrue au développement de lymphome a été observée chez
les souris exposées de façon chronique au Plasmodium (43). Sur
le plan épidémiologique, une nette diminution de l'incidence
du LBe a été notée parallèlement à l'application des mesures
de lutte contre le paludisme (42,44). Le risque de développer
un LBe augmenterait également avec le nombre de traitement
antérieur anti-palustre et donc avec le nombre d'épisode
antérieur de paludisme (40). Des études plus récentes réalisées
en Uganda et au Malawi ont montré un risque de développer
un LBe 5 à 12 fois plus élevé chez les sujets présentant un taux
élevé d'anticorps dirigés contre des extraits de schizontes de
Plasmodium falciparum (40,42,45).
Dans la pathogenèse du LBe, P. falciparum agirait en
potentialisant l'effet du virus EBV. En effet, le LBe est 13
fois plus fréquent chez les enfants co-infectés par EBV et P.
falciparum (42,46,47). En plus d'une stimulation polyclonale
des lymphocytes B, Plasmodium falciparum, via une interaction
du domaine CIDR1α (Cysteine-rich interdomain region 1 α)
de sa protéine PfEMP1 (Plasmodium falciparum erythrocyte
membran protein 1) exprimé par les érythrocytes infectés avec
les lymphocytes B infectés, favoriserait la réactivation du
virus EBV (48,49). Des études sérologiques ont confirmé que
les enfants co-infectés par EBV et Plasmodium falciparum font