TRAITEMENTS DES CANCERS
76 CANCER CONTROL FRANCOPHONE 2021
avaient survécus à la maladie. La majorité des décès notifiés
(76%) survenait dans un tableau d'anémie décompensée.
Commentaires et discussion
Il existe peu d'études épidémiologiques sur les tumeurs
abdominales malignes chez l'enfant. Durant la période
d'étude, les TAM de l'enfant représentaient 16% des cancers
pédiatriques. L'incidence des cancers est difficile à apprécier
au Mali à cause du manque de registre de cancers hospitaliers.
La majorité des TAM survenait chez les enfants de moins de 5
ans avec une prépondérance masculine. Cette prédominance
masculine des tumeurs pédiatriques a été rapportée par
beaucoup d'auteurs africains sans aucune explication précise
à cette constatation (6).
Il existait une grande hétérogénéité dans la distribution
sociodémographique de nos patients. La majorité des patients
provenait de zones rurales (57%), où les moyens de diagnostic
sont encore plus limités. Le délai moyen de consultation a été
relativement long (12 semaines), alors qu'une anamnèse, un
examen physique minutieux, un laboratoire de base et des
études d'imagerie correctes peuvent fournir des informations
suffisantes pour déterminer le diagnostic ou référer vers
les spécialistes appropriés (7). En France, où les conditions
d'exercice sont meilleures, les tumeurs embryonnaires de
progression rapide sont plus précocement diagnostiquées,
avec une durée médiane inférieure à un mois (8). Le long délai
diagnostic pourrait s'expliquer par la pauvreté des ménages,
les pratiques et les croyances coutumières et le déficit ou
défaut en personnel qualifié (9).
Dans cette étude, le principal mode de révélation des TAM a
été la masse abdominale. Les manifestations cliniques étaient
variables et dépendaient surtout de la localisation, de la taille
de la tumeur et de l'existence de métastases. La majorité
des tumeurs abdominales malignes était retro-péritonéale,
essentiellement représentée par le néphroblastome et le
neuroblastome. Dans cette étude, les TAM couramment
diagnostiquées étaient le néphroblastome (52%), les
lymphomes (30%) et le neuroblastome (13%). Nos résultats
ont été très proches de ceux rapportés par la littérature
(12,10).
Le néphroblastome est une tumeur quasi spécifique de
l'enfant, survenant le plus souvent entre 1 et 5 ans avec un
pic d'incidence vers l'âge de 3 ans et demi. (13). Il s'agit d'une
tumeur embryonnaire dont l'histologie, très hétérogène, est
caractérisée par des composantes épithéliale, stromale et
blastemateuse. (14).
Dans cette étude, les lymphomes non hodgkiniens
représentaient la seconde cause de tumeur abdominale
maligne. Le lymphome de Burkitt pourrait être prépondérant
en Afrique subsaharienne à cause de la fréquence élevée de l'infection à virus d'Epstein-Barr (EBV) et du paludisme à
Plasmodium Falciparum (9,15,16,17)].
Le neuroblastome est une tumeur qui se développe à partir
du système nerveux sympathique. C'est la tumeur solide extra
crânienne la plus courante de l'enfance( 18). Dans cette étude,
il représentait la troisième cause de cancer abdominal dans
cette étude. Selon la littérature, il se situe au second rang des
tumeurs solides de l'enfant, après les tumeurs du système
nerveux central (18). Le stade, le type histologique et l'âge sont
les marqueurs pronostiques les plus importants (19).
Dans cette étude, 98% des patients avaient bénéficié d'une
chimiothérapie adaptée selon le protocole du GFAOP. Une
exérèse chirurgicale avait été réalisée dans 30% des cas ; il
s'agissait essentiellement de cas de néphroblastome. Une
abstention chirurgicale était la règle dans les cas de lymphomes
et chaque fois que la tumeur était trop importante, avec des
adhérences et métastases multifocales (neuroblastome).
L'évolution des patients, avec un recul moyen de 12 mois, a
été marquée par une rémission complète dans 65% des cas (30
patients), une rechute dans 2% des cas (1 patient), un décès
dans19% des cas (9 patients). Un abandon de traitement a été
constaté chez 28% des patients. Plusieurs causes pourraient
expliquer le pronostic défavorable des cancers de l'abdomen:
entre autres une insuffisance de spécialistes, des difficultés
d'approvisionnement en médicaments anticancéreux, un
déficit en soins de support, un manque de moyens financiers
(9). Ces facteurs, associés à une malnutrition endémique et à
des pathologies infectieuses récurrentes, constituent autant
d'obstacles à l'obtention de taux de guérison et de survie
comparables à ceux des pays développés (9, 20).
Conclusion
Cette étude nous a permis de mieux analyser les particularités
épidémiologiques, cliniques et évolutives des tumeurs
abdominales malignes à l'UOP de Bamako. La majorité des
patients avaient moins de 5 ans ; les principales étiologies des
TAM ont été le néphroblastome (52 %), les lymphomes (30%)
et le neuroblastome (13%). Le diagnostic et la prise en charge
des cancers abdominaux étaient le plus souvent tardifs. Des
efforts doivent être mis en place pour renforcer l'éducation
des populations sur les cancers pédiatriques. n
Professeur Abdoul Karim Doumbia, Pédiatre-oncologue ;
Maitre de Recherche / Praticien à l'Unité d'Oncologie Pédiatrique
(Département de Pédiatrie, CHU Gabriel Touré) ; BP : 267 Bamako.