TRAITEMENTS DES CANCERS
80 CANCER CONTROL FRANCOPHONE 2021
dépression et d'anxiété chez les mères. Des scores élevés de
dépression sont corrélés à la présence d'un nombre moins
important d'enfants.
Il existe une différence statistiquement significative entre
les scores d'anxiété et le domaine relations sociales (p=0,03).
Les scores de qualité de vie dans le domaine des relations
sociales sont meilleurs chez les mères ayant de faibles scores
d'anxiété.
Il existe aussi une corrélation statistiquement positive entre
la qualité de vie au domaine psychique et la dépression avec
(p=0,02). La santé psychique est de meilleure qualité chez les
mères ayant de faibles scores de dépression (tableau 3)
Discussion
Les travaux portant sur les parents d'enfants en cours de
traitement pour cancer montrent une détresse psychologique
avec symptômes anxieux et dépressifs, surtout exprimée
par les mères (9). En effet, ce sont principalement elles
qui prennent en charge les exigences liées à la maladie de
l'enfant. Les pères sont absents. Ceci pourrait être expliqué
par la conception symbolique de la maternité dans la culture
Arabo musulmane. Dans notre étude, 71,4% (n=25) des
mères ont une anxiété sévère ou modérée et 80% (n=28)
d'entre elles présentent une dépression sévère ou modérée.
Plusieurs publications suggèrent que les mères d'un enfant
ayant un problème de santé ressentent un stress plus intense,
sont plus enclines à vivre des épisodes dépressifs et qu'elles
éprouvent une plus grande détresse émotionnelle que les
pères (10). L'annonce du diagnostic de cancer déclenche une
détresse émotionnelle avec une peur de perdre son enfant.
Elle éveille chez elles une angoisse importante et le sentiment
d'incapacité et de culpabilité (11). Elle remet également
en question les fantasmes d'immortalité et les liens
d'attachement (11,12). Cette angoisse est décelée à travers
les discours des mères qui cherchent toujours une lueur
d'espoir et de guérison. Et pour y échapper, la majorité se
tourne vers la croyance religieuse : la maladie est une fatalité
qu'il faut accepter. C'est ce que Ben Rejeb a surnommé « le
moule religieux » auquel s'attachent les personnes atteintes
d'une maladie grave (13).
Notons que les mères les plus déprimées ont un nombre
d'enfants moindre : et donc la dépression n'est pas liée à
l'épuisement et la charge mentale, mais plutôt liée à la peur
de la perte. Une autre répercussion majeure de l'atteinte de
l'enfant par le cancer est l'isolement social des mères et de
la famille. Perel affirme que le cancer prend toute la place et
bouleverse la vie quotidienne et sociale de la famille (13). Les
visites et la participation aux rassemblements deviennent
rares par peur que l'enfant immunodéprimé n'attrape des
infections. Cette restriction de la vie sociale peut également
être la conséquence de la métamorphose et la mutilation
corporelle de l'enfant qui s'isole par crainte de stigmatisation.
Une étude faite en Suisse montre que plus le niveau de
stigmatisation perçue par les sujets était important, plus
le sentiment de détresse psychologique ou les symptômes
dépressifs sont élevés et plus la qualité de vie est détériorée
(14).
C'est ce que nous avons constaté chez notre population,
chez qui la qualité des relations sociales est le domaine de
qualité de vie le plus altéré, fragilisé surtout par l'anxiété (p=
0,03). Cette fragilité peut être la conséquence d'un sentiment
de dévalorisation et de honte qui a engendré une tendance
à l'isolement et l'évitement des cérémonies collectives. C'est
la peur du regard de l'autre et surtout de ses jugements qui
développe chez ces mères une tendance à l'isolement (15).
Cette étude comporte plusieurs limites notamment le
faible effectif, la limitation aux mères accompagnant leurs
enfants en hospitalisation de chimiothérapie uniquement,
l'exploitation restreinte des nombreuses données obtenues
aux entretiens cliniques et à l'échelle de WHOQOL sur les
différents éléments composant les différents domaines de la
qualité de vie.
L'expérience du cancer est perçue comme un traumatisme
susceptible de provoquer des altérations émotionnelles et
une détresse maternelle. En oncologie pédiatrique, il est
important de soutenir les mères des enfants suivis pour
un cancer. Une prise en charge multidisciplinaire basée sur
l'écoute et l'accompagnement est recommandée en impliquant
le père et en mettant en place des structures d'accueil adaptées
et/ou des groupes de paroles. n
Tableau 3: Le rapport entre l'anxiété, la dépression et les domaines de la qualité de vie
Domaines Santé physique Santé psychique Relations sociales Environnement
Moyenne p Moyenne p Moyenne p Moyenne p
Anxiété
Absence/grave 49,20 0,08 47,50 0,59 44,00 0,03 52,00 0,20
Modérée/grave 33,68 33,60 37,28 43,88
Dépression
Absence/légère 60,57 0,60 56,29 0,02 45,14 0.09 61,71 0,08
Modérée/grave 62,40 32,46 37,71 42,32