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usqu'à récemment, l'oncologie pédiatrique a souffert
de la disparité entre les pays riches et les pays pauvres.
Alors que dans les pays riches, les progrès dans la prise
en charge et la survie des cancers de l'enfant étaient une
source d'enthousiasme et de fierté, la question du bienfondé de cette discipline, considérée comme onéreuse et
non prioritaire, a souvent été évoquée en ce qui concerne les
pays à ressources limitées. Que représente en effet le cancer
dans des pays où la malnutrition, le paludisme, la rougeole
et autres maladies infectieuses sont encore responsables de
la majorité des décès chez l'enfant ? La passion et l'énergie
de pionniers comme Hans Peter Wagner, Guiseppe Masera,
Peter Hesseling ou Jean Lemerle ont permis de démontrer
que la guérison du cancer de l'enfant n'était pas l'apanage des
pays riches et que l'argent n'était pas nécessairement la clé
d'un traitement couronné de succès.
Aujourd'hui, il reste bien sûr des disparités importantes
et l'écart de survie entre les pays à haut revenus et ceux
à ressources limitées reste important, pour ne pas dire
inacceptable. Cependant, il y a de nombreuses raisons
d'espérer. La prise en charge des cancers de l'enfant est
devenue aujourd'hui une réalité dans de nombreux pays
à ressources limitées. Un certain nombre de facteurs a
contribué à cette évolution, et outre le rôle des pionniers
mentionnés ci-dessus, la contribution des gouvernements,
mais aussi des associations médicales, des organisations non
gouvernementales, des partenaires privés, des programmes de
jumelage et autres initiatives a permis de donner à l'oncologie
pédiatrique un cadre et des moyens indispensables pour
répondre aux besoins uniques de cette population. L'initiative
de l'Organisation Mondiale de la Santé en faveur des cancers
de l'enfant en 2018 (https://www.who.int/docs/defaultsource/documents/health-topics/cancer/who-childhoodcancer-overview-booklet.pdf)
a incontestablement donné à l'oncologie pédiatrique la place qu'elle mérite dans le cadre de
l'oncologie globale.
Mais il est bien sûr important de confronter ces orientations
globales avec la réalité du terrain. Dans cette revue
essentiellement consacrée à l'oncologie pédiatrique en Afrique
francophone, le lecteur va découvrir les défis que rencontrent
les cliniciens dans leur vie quotidienne. Tout d'abord celui du
diagnostic, et les moyens qui ont été mis en place pour s'assurer
d'un diagnostic fiable. Qui dit diagnostic erroné dit traitement
inapproprié. En l'absence d'études spécifiques, ce taux de
diagnostics erronés est difficile à évaluer. Cependant, une
revue de 763 cas soumis pour opinion au service de pathologie
de l'hôpital St Jude et provenant de centres collaborant avec
le programme international, a identifié un taux de désaccord
de 13,7 à 37,1% selon les pays concernés (1). Ce taux était plus
particulièrement marqué pour les pathologies lymphoïdes et les
tumeurs cérébrales. Dans ce contexte, le développement d'un
projet de télépathologie entre Dakar et Paris est une initiative
remarquable. La mise en place d'un centre de référence pour
les diagnostics des cancers de l'enfant à Dakar représente
également un progrès incontestable qui bénéficiera à la fois
aux pays africains francophones et également anglophones.
Au-delà du diagnostic, plusieurs articles de cette revue nous
permettent de mieux comprendre le quotidien des oncologues
pédiatres et leurs défis. Par exemple, celui de la malnutrition qui
est un obstacle majeur à un traitement oncologique approprié,
en particulier chez le jeune enfant. En dépit de tous ces obstacles,
de l'absence fréquente d'infrastructures appropriées, d'une
pénurie chronique dans l'approvisionnement de médicaments
essentiels, de budgets limités, les progrès sont réels. Nous
découvrons le travail remarquable qui a été conduit dans le
cadre du rétinoblastome, du néphroblastome et du lymphome
de Burkitt dont le pronostic a été transformé grâce à la mise
en place de protocoles adaptés. Mais également la formation
CANCER CONTROL FRANCOPHONE 2021 5
INTRODUCTION
Les cancers de l'enfant en
Afrique Francophone : un
souffle d'espoir
ERIC BOUFFET, HÔPITAL POUR ENFANTS DE TORONTO (SICKKIDS), CANADA